Les bilans hebdomadaires en radiothérapie

Publié le par Christine Lefeuvre

Chaque semaine, je rencontre la radiothérapeute. Premier rendez-vous, j'arrive avec mes questions diverses et variées notées consciencieusement sur mon petit morceau de papier...Cette femme me demande comment est mon sein. Je précise qu'il n'y a pas de modification apparente que je peux constater à l'oeil nu. Elle me dit alors"On va regarder". Et là résulte toute l'asymétrie de la situation. Le professionnel sait qu'il va devoir pratiquer un examen clinique mais moi je n'en ai pas été avisée. Avec toute ma crédulité ou naïveté de patiente, je pensais que ma parole pouvait amplement suffire. Spontanément, je précise que je peux pas, je ne suis pas prête. Alors que cela pourra paraître évident à certains, c'est comme si vous alliez pour un rhume et qu'on sollicite un palper des testicules! Même si cela peut ne pas sembler comparable, je ne suis tellement pas disposée à cela, que c'est comme hallucinant! J'expose mes seins quotidiennement, c'est déjà un exercice périlleux pour moi. Selon ma représentation, la manipulatrice aurait évidemment notifié tout changement notoire au médecin. Donc pour ce rendez-vous, je suis en robe et le fait d'accepter implique de se retrouver en petite culotte...Je décline gentiment la proposition. Et cette femme "Mais Madame Lefeuvre, c'est le but des contrôles hebdomadaires...". Et c'est là que le manque d'information du patient le place toujours dans une posture d'adaptation implicite mais permanente qui le fragilise. Je la remercie et promets de me préparer à ces examens pour les séances suivantes. J'adopterai la tenue en conséquence et me projetterai en ce sens. C'est à la fois basique pour certains mais pas pour moi à ce moment-là.

Mais ce qui fait la force de cette relation que je peux poursuivre en confiance, c'est la posture de la professionnelle qui elle a su s'adapter à merveille. Quel enjeu pour un professionnel qui ne gère pas cette situation? Pas d'impact sur sa carrière, encore moins sur sa santé....Alors qu'en l'occurrence, pour moi, cela présageait du parcours à venir. Ma parole serait au moins entendue sinon respectée. Lors du dernier rendez-vous bilan, lors de l'examen clinique, elle m'a précisé toutes les étapes auxquelles je serai confrontée pour les contrôles réguliers. Je l'ai vivement remerciée car le décalage entre les perceptions Patient/Soignant se doit d'être minoré pour améliorer le lien, renforcer l'expression libre et ainsi oeuvrer à l'instauration d'échanges véritables porteurs de sens pour chacun des protagonistes.

Comme je l'ai évoqué avec elle, j'ai rencontré sur ce chemin, deux types de personnes:

-les unes ancrées dans leur toute puissance, insistant sur les aspects techniques ou de recherche liés à leur fonction, et s'arcboutant sur la notion de pouvoir conférée par leur statut

-les autres que je qualifie non de techniciens du soin mais de soignants au sens noble se plaçant dans la notion de savoir mis au service d'autrui.

 

Servir ou dominer, this is the question...Quand pour une simple prise de sang à réaliser la veille d'une chimiothérapie, vous recevez la formule "Vous n'avez pas le choix", la sacro-sainte formule qui se veut contrainte maximale pour que le traitement vous soit administré....Quand on connaît l'enjeu vital pour le patient de l'acte médical,mais accessoire pour le soignant, comment percevoir cette phrase autrement que par l'affirmation d'une volonté de soumettre l'autre? Je m'interroge encore.

Dans toute relation humaine et la relation de soins en est une, primera toujours l'acceptation de l'autre et l'adaptation à l'autre, de façon réciproque. J'ai pu me soigner grâce à ces femmes croisées sur mon chemin, ces femmes qui ont su entrer dans ma sphère de craintes, de doutes, de peurs, d'angoisses....Que ce soit l'esthéticienne ou la psychologue en soin de support...Que ce soit Vanessa ma manipulatrice référente....Ou Madame Lecouillard radiothérapeute....Et toute cette chaîne, tous ces maillons ont été précieux pour accueillir pleinement la symptomatologie et son lot de charges émotionnelles.

Je remercie le système de soins pour l'aspect financier de la prise en charge, mais sans implication humaine, il m'aurait été difficile (impossible?) de guérir. Peut-on affirmer être guérie sur ce genre de parcours? Je l'ignore mais à la sortie de ce traitement, la réponse clinique est complète. Cette réponse clinique traduit mon implication mais aussi celle de tous les soignants qui m'auront respectée. Mais personne ne peut laisser supposer que l'implication seule permet de guérir, quelle culpabilisation pour les non guéris! Quand je m'exprime ainsi, j'affirme que dans mes prières notamment, je n'ai jamais sollicité la guérison, seulement la paix intérieure jusqu'à mon dernier souffle. C'est cette même paix qui me conduit encore aujourd'hui. Cette maladie, je l'attribue à des conflits intérieurs d'une extrême violence. La résolution passe par la nécessité de trouver autour de moi des soignants qui acceptent de modifier leur positionnement, leur protocole pour que j'intègre et fasse miennes toutes ces étapes en trouvant une forme d'apaisement.

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