Mon premier rendez-vous en oncologie

Publié le par Christine Lefeuvre

La veille pose du cathéter, appelé aussi communément chambre implantable...Je n'ai pu dormir après ce passage au bloc opératoire.

Ce jour, je rencontre l'oncologue, une femme douce et ferme à la fois qui dégage par sa posture et son langage non-verbal une volonté d'accueillir au mieux l'Autre.Elle commence par prendre connaissance du dossier, pose ses questions pour compléter celui-ci et s'enquiert de mes connaissances initiales sur ma pathologie. Cela lui permet d'affiner sa perception, d'accéder aux représentations de la patiente. Cette femme traite les cancers de la femme. J'aime sa féminité et j'oserais presque dire son féminisme.Pour accéder à son poste de responsable du département d'oncologie, dans un milieu aussi patriarcal et misogyne que celui de la médecine. cete femme sait que la place de la femme n'est jamais acquise. Voilà mon ressenti, une femme humble mais très assurée. Elle essaie de repositionner le parcours habituel pour formuler la nécessité de recourir à un traitement chirurgical. Mais dès que j'en émets le refus, elle le note consciencieusement sans s'y opposer. Premier point et pas des moindres : je me sens entendue. Puis les questions récurrentes de l'examen, poids, taille, situation familiale...Je consens à répondre mais cela me gêne : je ne vois pas par exemple quel impact ma situation familiale peut avoir pour orienter un traitement l Et certes même si en soi je n'ai rien à cacher, nous sommes dans une structure hospitallère où les données sont accessibles à tous les soignants qui gravitent autour de votre personne, de près ou de loin (pharmaciens du centre anticancéreux notamment qui préparent les traitements en fonction des prescriptions). Je tiens énormément à la notion de secret médical et il me semble fondamental de baliser mon territoire physiquement et psychologiquement. Ce n'est pas parce que je n'ai rien à dire sur un sujet particulier que je ne défendrai pas la liberté d'expression ; ce n'est pas parce que je n'ai rien à cacher que je ne défendrai pas le secret médical.

Puuis vient le "Je vais vous examiner". Je ne vois pas l'intérêt d'un examen clinique, la gynécologue ayant déjà repéré le terrain et émis un compte-rendu...Je l'interroge sur ce qu'elle veut voir. Elle me répond "tout". Je la regarde interloquée en précisant "mon sein droit"? "Je vais vous peser, vous mesurer, vous examiner"reprend-elle en croisant ses bras. Je l'interroge pour savoir s'il s'agit d'un manque de confiance car elle vient de solliciter oralement ses mêmes données (poids et taille). Je trouve cela infantilisant.

Elle observe le chiffre sur la balance, la confiance règne! Et pourtant cette femme est bienveillante. Elle ose reconnaître ses habitudes de fonctionnement. Je pense toujours que c'est dans cette capacité d'adaptation à la relation que transparaît l'humilité du soignant et sa grandeur d'âme. Car un vrai professionnel se reconnaît dans la gestion du grain de sable dans le rouage : voilà ce que je représentais probablement à ses yeux ce jour-là! Elle palpe délicatement mon sein, mon abdomen, mon dos puis l'autre sein. Et chose délicate, elle attache mon soutien-gorge pour clore l'examen. Comme ma peau me tiraille suite à l'intervention de la veille, cette femme se place dans une posture d'accompagnement...C'est à ma fois tellement simple et tellement rare que je m'en souviens encore!

Il est difficile lors d'un tel entretien sur le temps imparti d'étudier toutes les questions. Nous évoquons ensemble le protocole habituel et je sollicite une injection d'Herceptin dans les plus brefs délais. Alors que je suis supposée recevoir trois cures de FEC100 espacées chacune de 3 semaines avant le traitement espéré, cette oncologue accepte de passer à l'Herceptin dès la première injection et ce sans l'administration du FEC100. Je me sens écoutée, respectée dans mes choix. Cette logique entre dans la notion d'"agir son parcours de soin". Je suis dans une perspective d'espérance car elle ne me dira jamais que je vais guérir au vu de l'agressivité de la tumeur initiale, de l'envahissement ganglionnaire,du stade évalué à partir de la biopsie, de mon refus actuel de chirurgie.... mais que je peux guérir. Je lui demande quelles seront les facteurs cliniques observables pour considérer une amélioration? C'est très simple, plus d'écoulement, plus de masse palpable...Je vais m'observer scrupuleusement!

Le seul hic, avant l'injection d'Herceptin, ce sera la nécessité de recourir à une scintigraphie cardiaque pour évaluer les effets possibles du traitement sur ma fraction d'éjection ventriculaire notamment...On en reparle!!!

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article