Intimité et secret médical

Publié le par Christine Lefeuvre

Je m'interroge. A l'heure des big data, qu'en est-il dans le domaine de la santé?

Depuis que j'ai ma carte vitale, outil vendu comme facilitateur initialement pour l'usagère que je suis, je ne peux que reconnaître que des données y sont stockées, qu'il m'est difficile d'y avoir un libre accès et que même si je n'ai pas validé pour ma situation personnelle l'idée de dossier médical partagé, je dois reconnaître que différents professionnels de santé sont plus à même de la décrypter que moi, bénéficiaire.

Certes je consulte un professionnel. Et encore j'ai volontairement opté pour un médecin exerçant seul pour qu'il n'y ait pas partage de données sans mon accord initial au sein d'une même maison de santé. Ce professionnel, je lui confie ce que bon me semble en lien avec ma santé? Je reçois une ordonnance qui elle sera scannée au sein d'une officine et transmise à ma caisse d'assurance maladie. N'importe quel professionnel au vu de la délivrance de certains médicaments peut établir un lien avec une symptomatologie existante. A partir de ces données, il semble assez facile de répertorier quels sont les malades atteints du VIH, d'une RCH...Quid du secret médical?

On nous rétorque alors qu'en cas d'étude, les données sont anonymes. Certes mais là encore on peut les extraire pour contacter des malades et établir des enquêtes sur le suivi de telle ou telle maladie.

Je m'interroge également sur ces données et ce qui peut en être fait. Aujourd'hui dans le cadre des dépistages organisés, cancer du sein et cancer colorectal notamment, (cancer du col de l'utérus en cours), le rappel reçu chez soi par courrier stipule bien votre suivi en la matière, l'enregistrement référencé grâce à une cotation spécifique du dernier examen en la matière...Ce ne sont encore que des conseils mais peut-être un jour décidera-t-on de sanctionner par ce biais également les récalcitrant(e)s en la matière : en déremboursant par exemple certains actes médicaux si le suivi en la matière n'était pas régulier (contrôle technique de la mécanique humaine pour circuler librement)?

Croiser des données massives grâce à des techniques innovantes, tel est le défi du Big Data. Dans le domaine de la santé, l'utilisation de ces données soulève des questions techniques, éthiques et socio-économiques. Quand on sait que le domaine de la santé est fort impacté par l'aspect économique ( un exemple parmi tant d'autres, celui de la mammographie poursuivie malgré les effets délétères du dépistage organisé : Rachel Campbergue et auteure de "No mammo" Cécile Bour, médecin radiologue, Annette Lexa, médecin toxicologue, enquête Institut Cochrane...), je doute fort des questions qui prédomineront pour définir les lignes directrices quant à l'utilisation de ces données. Les médecins sont utilisés comme force de travail pour valider les décisions étatiques ne la matière. Qu'en est-il du secret médical et du serment d'Hippocrate?

Le mardi 6 décembre à 20h30 aux Champs Libres à Rennes, Claude Gissot et Emmanuel Bacry animeront une conférence salle Hubert Curien sur cette thématique. Sachant que le premier est directeur de la stratégie à la CNAM, le débat sera probablement fort orienté. Mais il me semble urgent de se poser la question du bien-fondé de ces données (est-ce normal d'enregistrer informatiquement ailleurs que chez mon médecin traitant et sans mon consentement préalable la date de mon dernier frottis par exemple) , de leur utilisation à des fins affichées comme non mercantiles  (aujourd'hui affichées ainsi car visées inavouables si tel était officieusement le cas), de la protection de ces données (quand on sait comment tout système informatique peut être pénétré!!!)...

Informons-nous et demeurons vigilant(e)s.

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