Touchers vaginaux et rectaux sans consentement

Publié le par Christine Lefeuvre

Comme je le mentionnais dans mon article du 23 octobre dernier (ainsi que dans mon livre) à partir de liens suffisamment explicites, l'information relative aux touchers au bloc opératoire sur patients endormis avait suscité une vague d'indignation début février. Marisol Touraine avait alors mandaté une enquête sur le sujet. Enquête dont les résultats viennent de paraître ce 27 octobre dans un rapport remis à la ministre...La ministre diligente une mission d'inspection au sein des établissements de santé....Sachant que l'enquête est réalisée par la "Conférence des doyens des facultés de médecine", on peut se dire que les chiffres sont au mieux minorés....Et pourtant selon cette version dite officielle, un tiers de ces touchers seraient réalisés sans consentement et ce plus particulièrement par des personnes en début de formation (1ère, 2ème et 3ème année de médecine)....

http://http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20151027.OBS8394/touchers-vaginaux-et-rectaux-le-consentement-n-est-pas-toujours-respecte.html

Ou encore :

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/des-touchers-vaginaux-sur-des-patients-endormis-c-etait-pour-apprendre_1730426.html

La ministre condamne fermement ces actes et en évoque l'illégalité en annonçant de possibles sanctions.

http://www.huffingtonpost.fr/2015/10/27/touchers-vaginaux-rectaux-sans-consentement-inacceptables_n_8396870.html

Elle s'attire en cela les foudres d'une certaine partie du corps médical qui ne comprend pas pourquoi nos orifices seraient ainsi sacralisés!!!Lisez surtout le texte initial en fin de page, très révélateur d'une appropriation de nos corps par la médecine toute puissante:

http://www.remede.org/documents/marisol-touraine-reagit-au-rapport.html

Cet article mentionne l'implicite du consentement dès lorsqu'on franchit les portes d'un établissement public. L'hôpital, lieu d'apprentissage, certes....Mais ce qu'il importe d'apprendre à un étudiant en dehors de l'aspect technique du toucher, c'est bien la prise en compte du ressenti du patient en accompagnant sa gestuelle. Apprendre à ne pas faire mal, à différer si besoin, à respecter, à entendre le langage non-verbal...Oui cela doit aussi et essentiellement s'apprendre dans un lieu dit universitaire....

On peut alors supposer que dans un établissement privé ce genre de pratiques n'est nullement à l'ordre du jour. Or il n'en est rien :

http://www.slate.fr/story/108351/touchers-vaginaux-sans-consentement-prive-institut-montsouris

Comment faire évoluer ces pratiques pour que nous puissions être soignés respectueusement? Comment se sentir capable d'accepter une anesthésie quand on ne maîtrise pas le cadre? Comment établir une relation de confiance inhérente logiquement à toute relation de soin?

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P
Mon éducation m'a poussé à respecter le milieu médicale. Mais, après avoir lu ces articles, est ce acceptable, qu'à l'âge de 12 ans, durant un examen gynécologique difficile, d'entendre un médecin me dire " ce n'est rien tu verras plus tard tu en redemanderas". J'ai eu beaucoup examens car j'étais très malade, mais ce médecin et cet examen je m'en souviens encore. J'étais jeune, je n'ai jamais rien dit car c'était un médecin. Mais ce n'est pas normal.
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C
Je vous remercie également et suis particulièrement sensible à votre prise de conscience et à votre positionnement, deux points fondamentaux pour une évolution permettant un mieux-être dans la relation soignant/soigné. Combien de femmes souffrant d'endométriose ont été comme vous diagnostiquées fort tardivement? Souvent accusées d'hystériques, invitées à consulter psychologiquement...Sans parole ni symptômes reconnus...Juste confrontées au silence ou jugement...A quand une véritable écoute du patient?<br /> En plus de cet aspect lié à la maladie elle-même, les examens permettant de poser un diagnostic ont bien sûr été fort nombreux, invasifs pour la plupart. Mais ce n'est pas cette douleur là que me mentionnent principalement les patientes mais le comportement, l'attitude parfois méprisante, parfois misogyne, parfois paternaliste mais loin d'être toujours respectueuse du corps médical...Or ces paroles laissent des traces comme vous l'avez souligné dans votre témoignage bien plus lourdes à porter une vie durant que les douleurs physiques qui s'estompent...<br /> Bonne continuation sur votre parcours médical si besoin et encore merci à vous pour ce retour positif.
P
Maintenant, j'ai 42 ans. Depuis, quatre ans, je sais que j'ai une endométriose. Je génère des kystes, régulièrement, depuis l'âge de 12 ans. C'est un soulagement de savoir ce que j'ai. Ce médecin, je n'ai pas le souvenir qu'il m'est fait mal mais c'est ces paroles. J'avais peur, j'avais besoin d'être réconforter et non d'entendre ses paroles. Je me souviens que c'était difficile psychologiquement car c'est un examen où il touchait mon intimité. De plus, suite à de multiples examens, ils n'ont rien trouvé. C'est grâce à une échographie au bout de trois semaines d'hospitalisation, qu'ils ont découverts des kystes sur les ovaires. Donc, est ce que cet examen était nécessaire à cet âge ? Je ne veux pas en faire une affaire d'état, car c'est du passé. Je veux seulement témoigner car maintenant je sais dire "non" au milieu médicale. En outre, j'ai refusé un traitement de ménopause artificielle pour enlever cette maladie. J'ai dit "non" car ce traitement détruit plus que çà ne guérit et surtout je veux prendre un break, je suis épuisée par ces examens gynécologiques. Je témoigne aussi pour remercier votre engagement Christine. Votre rencontre a été un flash pour moi. Dire "non". Notre intimité, on a le droit de la préserver et nous sommes libres de notre corps. Merci à vous Christine.
C
Je suis effarée par ce type de comportement dans le cadre médical, malheureusement assez fréquent lorsque je considère les nombreuses expériences qui m'ont été relatées oralement. Aussi, je vous remercie vivement pour votre témoignage car passer de l'oral à l'écrit s'avère hautement plus difficile. Et là, je compare ce vécu à celui des victimes de viol car là aussi les victimes sont trop peu nombreuses à oser porter plainte (approximativement 5%). Pourtant comme l'annonçait la campagne médiatique de 2012 à ce sujet, "Viol, la honte doit changer de camp". Que celui-ci soit perpétré par l'entourage ou par toute personne détentrice d'une autorité (médicale ou non) à laquelle on se confie.<br /> Car non seulement subir un examen gynécologique à 12 ans ne peut être anodin pour la jeune femme qui souffre, mais avec de telles paroles assimilant l'acte médical de pénétration à des paroles à connotation évidemment sexuelles est un acte à mes yeux gravissime. Parce que la jeune femme offre une telle vulnérabilité :<br /> -elle ne peut à la fois comprendre et assimiler à cet âge la portée de telles paroles mais elle s'en souviendra à jamais<br /> -le désir sexuel sous-jacent s'exprime et s'affiche dans un cadre supposé préserver la santé : comment pourra-t-elle construire une relation de confiance avec un praticien masculin à l'avenir?<br /> -elle est mineure d'où abus de confiance par personne représentant l'autorité<br /> -elle a d'ailleurs parfaitement intégré l'autorité médicale comme allant de soi alors comment peut-elle oser formuler une quelconque plainte sinon par ses pleurs? Comment un examen dans de telles conditions peut-il être autrement que difficilement réalisable? On pourrait presque parler de droit de cuissage lié à l'autorité médicale dans une tel contexte : en effet, même si la pénétration ne s'effectue pas avec le sexe du médecin, le sexe de la femme est affiché par ce dernier comme lieu de pénétration par excellence, destiné exclusivement à cela. La sentence "Tu en redemanderas" suppose quasiment un non contrôle des pulsions sexuelles. Comme si ce médecin attribuait à ses patientes des pulsions incontrôlées pour justifier les siennes : pratique on ne peut plus condamnable.<br /> Je m'interroge sur le choix de cette spécialité lorsque de tels agissements sont à l'oeuvre. J'ai souvent constaté des témoignages relatant plutôt des maladresses du corps médical, parfois lourdes à intégrer pour le patient mais sans volonté apparente de nuire. Ici, c'est la vision même de la femme et la misogynie caractérisée qui rendent ces propos insoutenables.<br /> Ce n'est non seulement pas normal, mais condamnable par la loi.