Réflexions de médecins

Publié le par Christine Lefeuvre

Suite à la pétition lancée en février 2015 notamment par Clara de Bort, cadre hospitalier, concernant la polémique des touchers sans consentement, une scission semble s'être produite entre les professionnels se sentant accusés et les patients qui évoquent la nécessité d'une éthique...Le but n'est nullement d'accuser les intentions louables du praticien qui exerce un soin mais de repositionner la notion de consentement en référence à la loi Kouchner.

www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2015/02/12/clara-de-bort-le-consentement-du-patient-ne-doit-pas-rester-la-porte-du-bloc-operatoire-_741141

Alors, quelles sont les frontières? Une pénétration sans consentement équivaut-elle à un viol? "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol."Je vous livre ici le vécu d'un médecin récemment hospitalisé et ayant dû subir comme il le qualifie lui-même un viol...

www.actusoins.com/264856/medecin-devenu-patient-il-temoigne-de-son-horrible-sejour-a-lhopital-public.html

Quel que soit la fonction exercée, le plus important comme le soulignait déjà Montaigne est de former une tête bien faite plutôt que bien pleine...Réfléchir à sa pratique quotidienne est déjà gage d'une évolution possible des moeurs ou habitudes. Je vous invite à consulter ce lien où ce médecin (aux capacités artistiques évidentes) déjà étudiant en médecine souhaitait interpeller la pratique habituelle des touchers au bloc.

m.leplus.nouvelobs.com/contribution/1444918-touchers-vaginaux-non-consentis-rassurez-vous-nous-sommes-medecins-pas-pervers.html

Certes la nudité est le quotidien du médecin, son rapport au corps est différent....Quand l'étudiant se pose des questions aux prémices de sa formation, c'est qu'il entre déjà dans une démarche d'interrogation...A partir du lien suivant, on perçoit les étudiants capables d'une décentration minimale ( se mettre à la place du patient et s'interroger sur ce que l'on pourrait soi-même accepter ou non) et ceux qui reproduisent les gestes appris en adoptant les modalités définies par le formateur référent sans questionnement apparent. Même si ce lien n'est pas récent, mon avis personnel est que le sexe de la personne qui s'exprimer modifie les représentations et la capacité de décentration : une étudiante en médecine même jeune aura probablement déjà un vécu gynécologique qui influera son regard et sa façon d'aborder la patient alors qu'un étudiant du même âge n'aura probablement pas subi de toucher rectal et n'aura donc qu'une perception exclusivement technique du geste.

www.e-carabin.net/showthread.php?9239-examens-en-stage-s%C3%A9mio

La relation d'enseignement, que ce soit en médecine à l'université ou ailleurs, s'inscrit dans une asymétrie, puisque l'un est supposé détenir le savoir et l'autre pas. Mais le savoir doit-il être assimilé au pouvoir? L'autorité liée à ce savoir (comme je l'ai mentionné dans mon ouvrage "Intimité écorchée" dans l'essai comparatif) doit s'inscrire dans une notion de service qui rend l'apprenant auteur de son propre cheminement...S'il y a abus avec une possible recherche de pouvoir, cette autorité peut être remise en question. Il y a tellement de façons de pratiquer, certaines se voulant respectueuses de l'humain tout simplement...En voici quelques exemples illustrés :

sous-la-blouse.blogspot.fr/2011/06/tu-sauras-jamais.html?m=1

Pour moi, deux points demeurent fondamentaux dans toute profession :

1)Le premier relatif à l'appropriation d'un savoir initial qui constitue une phase indispensable de l'apprentissage. Ce premier point acquis, pour qu'il y ait véritable échange constructif au sein d'une unité de professionnels, ces savoirs pourront être remis en question afin d'inviter à une réflexion, à un débat...C'est tout l'enjeu de la démocratie que de pouvoir débattre, non? Reconnaître à des confrères la possibilité d'avoir des avis divergents...

blogs.mediapart.fr/blog/ishtar/060714/la-verite-tres-indesirable-sur-la-chimiotherapie

2)Le second point parallèlement à l'appropriation du savoir demeure la réflexion sur ce même savoir ... Au contact de professionnels engagés... Car lorsqu'on touche à l'humain, tout se joue sur la nécessité de doser ces deux réalités : s'impliquer (entrer en relation)/ se mettre à la bonne distance (gérer son énergie vitale).

Alors je finis par ce lien qui propose une expérience d'un apprentissage véritable regroupant ces deux points au sein d'un service hospitalier :

georgeszafran.blogspot.fr/2011/12/mon-premier-stage-infirmier.html?m=1

Parce que je pense indispensable des rencontres comme celle-ci dans un cursus universitaire, je pense inéluctable une formation humaine des étudiants en médecine...

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P
Mon éducation m'a poussé à accepter beaucoup de choses, en outre, de respecter le milieu médical. Mais, je me rends compte, après avoir lu ces articles, est ce acceptable qu'à l'âge de 12 ans, d'entendre un médecin me dire durant un examen gynécologique difficile, "plus tard tu verras, tu ne pleuras pas tu en redemanderas". Je n'ai rien dit, même à mes parents, car j'étais très malade et il ne savait pas ce que j'avais. J'ai eu de multiples examens mais je ne souviens plus de rien sauf de cet examen et le nom de ce médecin. Je n'ai jamais rien dit car je respecte le milieu médical mais madame Lefeuvre a raison ce n'est pas normal. Je la félicite de son courage. Merci
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C
Un vif merci pour ce témoignage. Je considère en effet que cela devait être particulièrement lourd à porter puisque vous vous êtes tue et n'avez pas rapporté ces propose à vos parents. Assimiler l'acte médical à une pénétration sexuelle est déontologiquement inacceptable. Prêter à la femme des pulsions sexuelles de cette violence, comme si elle était incapable de les maîtriser et de différencier le cadre médical de celui de sa vie de femme désirante : c'est misogyne certes mais surtout condamnable puisque ces paroles sont prononcées dans l'état de ses fonctions par une personne détentrice de l'autorité. Ce personnage nie toute douleur explicitement exprimée par les pleurs et poursuit l'examen sur la toute jeune femme. Quelle personne aime se dévêtir dans le cadre médical et ce qu'il renvoie : <br /> -une relation perpendiculaire, l'un à la verticale, l'autre à l'horizontale<br /> -une relation asymétrique, l'un possédant le savoir, l'autre non<br /> -une relation d'inégalité, l'un vêtu de la blouse blanche, l'autre dénudé<br /> Peut-être aurait-il été souhaitable que ce médecin subisse un toucher rectal par une personne animée de telles pulsions ainsi exprimées pour qu'il perçoive l'incongruité de la situation?<br /> Oui je parle là encore de décentration, capacité tellement évidente mais qui ne va pas de soi pour tous...<br /> Plusieurs femmes dans mon entourage m'ont relaté dernièrement la pratique d'un radiologue hospitalier qui exigeait la nudité pour réaliser des échographies et qui maintenait la porte ouverte de la salle de consultation. Elles étaient ainsi exposées les jambes dans les étriers à la vue du personnel qui allait et venait dans le service. Parfois certaines personnes sollicitaient un autre praticien mais cela ne s'avérait pas possible de toujours choisir ce dernier en structure hospitalière. Une femme médecin a dû passer un examen de ce type avec ce même radiologue. Elle a dû menacer d'aller dans cette tenue se plaindre auprès de la direction pour obtenir que ce monsieur veuille bien daigner fermer la porte. Parce que cette femme est passé du statut de médecin à celui de patiente, elle a été entendue...Faut-il là aussi souhaiter à ce radiologue de se retrouver dans une position identique pour favoriser une prise de conscience? Comment se fait-il malgré les différentes remarques ou gestes de patients ( un mari me mentionnait qu'il avait délicatement poussé la porte) ce professionnel n'ait pas modifié ces habitudes de fonctionnement? Le non respect de la charte du patient (notamment en l'occurrence respect de l'intimité et de la pudeur) pour marquer un autoritarisme? Un tel praticien dans le privé verrait rapidement un perte de fréquentation de son cabinet par sa patientèle mais lui ne s'en souciait guère...Malheureuses conséquences qui nuisent à la profession toute entière alors que la majeure partie des gynécologues se veulent respectueux...Ces vécus demeurent inscrits dans l'histoire du patient... Un positionnement fort s'impose pour nous aujourd'hui, mais plus particulièrement pour nos enfants demain car nous ne pouvons laisser de telles agissements perdurer...Osons dire NON.